Certes, les seigneurs avaient des passe-temps qu’on n’aurait pas imaginés. Une fois, il y avait un homme qui défrichait. Il était parti de bonne heure, emportant son quignon de pain, un peu de fromage blanc, et tape que te tape ! Cet homme était, à ce que je crois, des Ages. Le lopin où il avait entrepris son travail, ce n’était peut-être pas très bon, une lande de bruyère dans le communal, une pente où il y avait peut-être plus de pierres que de terre, mais il fallait bien essayer de cultiver un peu de blé quelque part. L’homme ne regardait pas voler les mouches. Pourtant, quand le soleil fut un peu haut, il commença à entendre des coups de fusil vers le château de La Farge. Il regarda, mais ne vit rien. Et toute la journée, il entendit les coups de feu qui claquaient du côté de La Farge. Et même le soir, lorsqu’il rentra chez lui, à la nuit, il dit : “Nos seigneurs se sont bien amusés tout aujourd’hui ! Ils n’ont fait que tirer des coups de fusil.” Malheureux ! Dit la femme. Alors seulement l’homme s’aperçut que sa femme avait pleuré toutes les larmes de ses yeux, et qu’elle ne tenait plus debout tant elle avait eu peur tout le jour. Car, à vrai dire, c’était sur lui-même que les bourgeois avaient tiré depuis le matin. En regardant par une fenêtre du château, ils avaient soudain vu cet homme qui travaillait sur la colline juste en face. Il y en eut un qui dit “Quelle belle cible cela ferait ! Sans perdre de temps, ni penser à rien, pour se divertir, il s’empare d’un fusil, et après lui tous les autres s’y essayèrent. Cela dura jusqu’au coucher du soleil, et aucun ne toucha le but tant ils étaient maladroits. Personne n’avait osé avertir l’homme, et l’homme, lui, piochait, comme si de rien n’était. De temps en temps, il s’arrêtait pour souffler, ou bien pour écouter si les seigneurs s’amusaient toujours. Puis il reprenait sa houe, bien tranquille, bien content. Car celui qui ne sait rien ne souffre pas de mal dans son coeur, comme l’on dit.
Certes, les seigneurs avaient des passe-temps qu’on n’aurait pas imaginés. Une fois, il y avait un homme qui défrichait. Il était parti de bonne heure, emportant son quignon de pain, un peu de fromage blanc, et tape que te tape ! Cet homme était, à ce que je crois, des Ages. Le lopin où il avait entrepris son travail, ce n’était peut-être pas très bon, une lande de bruyère dans le communal, une pente où il y avait peut-être plus de pierres que de terre, mais il fallait bien essayer de cultiver un peu de blé quelque part. L’homme ne regardait pas voler les mouches. Pourtant, quand le soleil fut un peu haut, il commença à entendre des coups de fusil vers le château de La Farge. Il regarda, mais ne vit rien. Et toute la journée, il entendit les coups de feu qui claquaient du côté de La Farge. Et même le soir, lorsqu’il rentra chez lui, à la nuit, il dit : “Nos seigneurs se sont bien amusés tout aujourd’hui ! Ils n’ont fait que tirer des coups de fusil.” Malheureux ! Dit la femme. Alors seulement l’homme s’aperçut que sa femme avait pleuré toutes les larmes de ses yeux, et qu’elle ne tenait plus debout tant elle avait eu peur tout le jour. Car, à vrai dire, c’était sur lui-même que les bourgeois avaient tiré depuis le matin. En regardant par une fenêtre du château, ils avaient soudain vu cet homme qui travaillait sur la colline juste en face. Il y en eut un qui dit “Quelle belle cible cela ferait ! Sans perdre de temps, ni penser à rien, pour se divertir, il s’empare d’un fusil, et après lui tous les autres s’y essayèrent. Cela dura jusqu’au coucher du soleil, et aucun ne toucha le but tant ils étaient maladroits. Personne n’avait osé avertir l’homme, et l’homme, lui, piochait, comme si de rien n’était. De temps en temps, il s’arrêtait pour souffler, ou bien pour écouter si les seigneurs s’amusaient toujours. Puis il reprenait sa houe, bien tranquille, bien content. Car celui qui ne sait rien ne souffre pas de mal dans son coeur, comme l’on dit.