Cette nuit là, à la métairie, il se passait deux choses étranges: d’abord, l’homme n’arrivait pas à fermer l’œil; ensuite des bruits étouffés et continus venaient de derrière des bâtiments. Cela inquiéta la femme, non qu’elle eût peur car c’en était, croyez moi, une de peu commode, mais parce que d’habitude son mari dormait à poings fermés et que de coutume on entendait pas d tels bruits dehors… d’autant plus qu’il lui semblait reconnaître des coups de pioche, de marteau, des frottements de pierres, de tuiles… N’y tenant plus, elle secoua son homme et lui dit: – Eh… que se passe-t-il donc pour que tu ne dormes pas ? Au bout d’un moment il finit par répondre d’une voix anxieuse: – Ah ! ma pauvre femme… je crois bien que j’ai fait une grosse bêtise… La femme lui répliqua: – Il n’y a aucune de tes bêtises que je n’ai réparée et tu le sais bien, alors raconte moi celle là qui t’empêche de dormir. – Ah ! ma pauvre, si tu pouvais encore une fois me tirer de ce mauvais pas… Ecoute… Entends-tu ce bruit? – Oui et justement je me demandais ce que c’était. – Apprends que le diable est en train de nous construire une nouvelle maison qui sera bien plus grande et plus solide que celle-ci qui est centenaire…Mais le malheur dans tout ça c’est que s’il a fini avant le chant du coq, il prendra mon âme en échange…et j’ai bien peur d’entrer bientôt dans son sac. – Tu as bien fait de me dire ton tourment, laisse moi agir, je vais arranger les choses. Sans perdre de temps, elle ouvrit la fenêtre et au clair de lune aperçut le diable à cheval sur le toit de la nouvelle bâtisse. Il posait les dernières tuiles de son œuvre. Quant aux coqs on ne risquait pas de les entendre de sitôt, la pointe du jour n’arriverait pas avant deux bonnes heures. Alors la femme changea de voix et les imita: – Kikiriki…kikiriki… Surpris, le diable leva la tête, mais on l’avait tellement pris de fois qu’il n’y mordit pas. – Tu peux toujours faire »kikiriki », lui cria-t-il, je t’ai reconnue, bonne femme…A l’avenir, sache que les vrais coqs font « cocorico ». Et il plaça ses dernières tuiles en répétant tout haut: – Ah ! ah ! Kikiriki n’est pas cocorico…Ah ! Kikiriki n’est pas cocorico… Mais il riait si fort et faisait un tel vacarme qu’il réveilla les coqs. – »Cocorico…cocorico… », firent-ils pour de bon. Si bien que le diable s’enfuit sans avoir pu poser la dernière tuile qu’il fut obligé d’emporter sous le bras à défaut d’âme.
Cette nuit là, à la métairie, il se passait deux choses étranges: d’abord, l’homme n’arrivait pas à fermer l’œil; ensuite des bruits étouffés et continus venaient de derrière des bâtiments. Cela inquiéta la femme, non qu’elle eût peur car c’en était, croyez moi, une de peu commode, mais parce que d’habitude son mari dormait à poings fermés et que de coutume on entendait pas d tels bruits dehors… d’autant plus qu’il lui semblait reconnaître des coups de pioche, de marteau, des frottements de pierres, de tuiles… N’y tenant plus, elle secoua son homme et lui dit: – Eh… que se passe-t-il donc pour que tu ne dormes pas ? Au bout d’un moment il finit par répondre d’une voix anxieuse: – Ah ! ma pauvre femme… je crois bien que j’ai fait une grosse bêtise… La femme lui répliqua: – Il n’y a aucune de tes bêtises que je n’ai réparée et tu le sais bien, alors raconte moi celle là qui t’empêche de dormir. – Ah ! ma pauvre, si tu pouvais encore une fois me tirer de ce mauvais pas… Ecoute… Entends-tu ce bruit? – Oui et justement je me demandais ce que c’était. – Apprends que le diable est en train de nous construire une nouvelle maison qui sera bien plus grande et plus solide que celle-ci qui est centenaire…Mais le malheur dans tout ça c’est que s’il a fini avant le chant du coq, il prendra mon âme en échange…et j’ai bien peur d’entrer bientôt dans son sac. – Tu as bien fait de me dire ton tourment, laisse moi agir, je vais arranger les choses. Sans perdre de temps, elle ouvrit la fenêtre et au clair de lune aperçut le diable à cheval sur le toit de la nouvelle bâtisse. Il posait les dernières tuiles de son œuvre. Quant aux coqs on ne risquait pas de les entendre de sitôt, la pointe du jour n’arriverait pas avant deux bonnes heures. Alors la femme changea de voix et les imita: – Kikiriki…kikiriki… Surpris, le diable leva la tête, mais on l’avait tellement pris de fois qu’il n’y mordit pas. – Tu peux toujours faire »kikiriki », lui cria-t-il, je t’ai reconnue, bonne femme…A l’avenir, sache que les vrais coqs font « cocorico ». Et il plaça ses dernières tuiles en répétant tout haut: – Ah ! ah ! Kikiriki n’est pas cocorico…Ah ! Kikiriki n’est pas cocorico… Mais il riait si fort et faisait un tel vacarme qu’il réveilla les coqs. – »Cocorico…cocorico… », firent-ils pour de bon. Si bien que le diable s’enfuit sans avoir pu poser la dernière tuile qu’il fut obligé d’emporter sous le bras à défaut d’âme.