L’oiseau-bête faramine volait de la butte de la roche de Solutré à la butte de la roche de Vergisson. Dans cette dernière commune, il planait et tombait sur un cabri, une chèvre, un agneau. L’oiseau faisait tellement de bruit avec ses ailes que, depuis la fontaine au Ladre jusqu’à la pierre Cale, les animaux s’enfuyaient. Le pays était terrifié. On réunit donc un jour les chasseurs du village qui, armés de fusils, partirent à la roche. La bête, perchée, s’envola et l’un des chasseurs tira et la blessa. Le monstre tombé était encore menaçant et on dut l’achever en faisant feu directement dans le bec géant, ce que l’on ne réussit que lorsque la bête faramine fut acculée contre la roche puis le monstre fut plumé et brûlé sur la place publique. Légende mâconnaise du 18ème siècle, écrite par l’abbé Ducrost publiée pour la première fois dans les Annales de l’Académie de Mâcon en 1888. Le titre local « Peteu de Vergisson » est le nom patois du « roitelet », petit passereau qui affectionne les endroits à végétation dense au sol : « repteu, peteu ou encore p’teu ». Journal de Saône-et-Loire, N°261 du 23 septembre 1895, d’après Les Annales de l’Académie de Mâcon en 1888, par L’Abbé DUCROST : Au ciel dès que cet oiseau point D’où vient que le soleil s’éclipsa ? Ce monstre ne serait-il point La Bête de l’Apocalypse ? Tremblez, fuyez, Vergissonnais ! Avec raisons vous frissonnez : Au ciel que l’éclair illumine, Voici la bête pharamine. Le vieux savant qui se promène Tenant en main son manuscrit Se croit bien seul dans son domaine : Dans l’air, la Bête a fait son cri, Et cet animal amphibie Sur le cahier fait, cadédis ! Ce qu’une hirondelle jadis Fit dans les yeux du vieux Tobie. Quand la patrie est en danger Ses fils savent mourir pour elle : Tes fils, épousant ta querelle, O Vergisson, vont te venger… Dans la nuit propice aux grands coups Ils arrivent l’un après l’autre : Quand le soleil luit sur le plateau Pas un ne manque au rendez-vous. “Braves chasseurs”, leur dit le maire Quand il les voit tous réunit, “C’t’usiau-là n’est pos un’chimère, “On en parle tant qu’à Cluny : “Vous ai du plomb dans v’tes gibernes, “Vous ai du coeur sous v’tes tetons, “Et, quand ça s’rait l’hydre de Lerne, “Astujord’hi nous l’abattons.” Où courent-ils, tous ces grands coeurs ? Est-ce à la mort ? à la victoire ? En tous les cas c’est à la gloire : Ils reviendront morts ou vainqueurs… Ils vont, déchirants aux bouchures Leur culotte et même leur peau ; Et plus d’un dans cette aventure Perd son sabot ou son chapeau. Les bons chasseurs ont vu la Bête, Mais la Bête aussi les a vus : A les combattre elle s’apprête, Elle pousse des cris aigus. La troupe aussitôt se rassemble, Tous les héros sont sur les lieux Et pas un seul d’entre eux ne tremble… Que va-t-il se passer, grands dieux ? Mais les chasseurs de Vergisson Ne sont pas des couyons, ma chère : Sans un émoi, sans un frisson L’un d’eux fait feu sur l’adversaire ; L’oiseau crie, atteint en plein vol, Et de Tramayes à Serrières Quand il s’écroula sur le sol Chacun sentit trembler la terre. Le bec ouvert, l’oeil en furie, On voit contre eux l’oiseau bondir : C’est une effroyable tuerie, Car il faut vaincre ou bien mourir… Homère, il me manque ta lyre Pour chanter ce combat fameux !… Mais enfin l’animal expire, Et le soleil lui, radieux. A l’aide de grands “pots” de benne, Joyeux, chantant sous le ciel bleu, Quatre hommes portent avec peine La dépouille du noir Peteu… Et vous, femmes de Vergisson, Arrachez-lui plume après plume : Et, pour le bucler sans façon, Allons ! que le bûcher s’allume ! Mais quand on eut plumé la Bête, Le monstre jadis triomphant, Il n’étit pas, foi de poète, Gros comme le poing d’un enfant ; Et cette bête épouvantable Qui fit trembler les environs (La chose est à peine croyable) Ne pesait pas un quarteron.
L’oiseau-bête faramine volait de la butte de la roche de Solutré à la butte de la roche de Vergisson. Dans cette dernière commune, il planait et tombait sur un cabri, une chèvre, un agneau. L’oiseau faisait tellement de bruit avec ses ailes que, depuis la fontaine au Ladre jusqu’à la pierre Cale, les animaux s’enfuyaient. Le pays était terrifié. On réunit donc un jour les chasseurs du village qui, armés de fusils, partirent à la roche. La bête, perchée, s’envola et l’un des chasseurs tira et la blessa. Le monstre tombé était encore menaçant et on dut l’achever en faisant feu directement dans le bec géant, ce que l’on ne réussit que lorsque la bête faramine fut acculée contre la roche puis le monstre fut plumé et brûlé sur la place publique. Légende mâconnaise du 18ème siècle, écrite par l’abbé Ducrost publiée pour la première fois dans les Annales de l’Académie de Mâcon en 1888. Le titre local « Peteu de Vergisson » est le nom patois du « roitelet », petit passereau qui affectionne les endroits à végétation dense au sol : « repteu, peteu ou encore p’teu ». Journal de Saône-et-Loire, N°261 du 23 septembre 1895, d’après Les Annales de l’Académie de Mâcon en 1888, par L’Abbé DUCROST : Au ciel dès que cet oiseau point D’où vient que le soleil s’éclipsa ? Ce monstre ne serait-il point La Bête de l’Apocalypse ? Tremblez, fuyez, Vergissonnais ! Avec raisons vous frissonnez : Au ciel que l’éclair illumine, Voici la bête pharamine. Le vieux savant qui se promène Tenant en main son manuscrit Se croit bien seul dans son domaine : Dans l’air, la Bête a fait son cri, Et cet animal amphibie Sur le cahier fait, cadédis ! Ce qu’une hirondelle jadis Fit dans les yeux du vieux Tobie. Quand la patrie est en danger Ses fils savent mourir pour elle : Tes fils, épousant ta querelle, O Vergisson, vont te venger… Dans la nuit propice aux grands coups Ils arrivent l’un après l’autre : Quand le soleil luit sur le plateau Pas un ne manque au rendez-vous. “Braves chasseurs”, leur dit le maire Quand il les voit tous réunit, “C’t’usiau-là n’est pos un’chimère, “On en parle tant qu’à Cluny : “Vous ai du plomb dans v’tes gibernes, “Vous ai du coeur sous v’tes tetons, “Et, quand ça s’rait l’hydre de Lerne, “Astujord’hi nous l’abattons.” Où courent-ils, tous ces grands coeurs ? Est-ce à la mort ? à la victoire ? En tous les cas c’est à la gloire : Ils reviendront morts ou vainqueurs… Ils vont, déchirants aux bouchures Leur culotte et même leur peau ; Et plus d’un dans cette aventure Perd son sabot ou son chapeau. Les bons chasseurs ont vu la Bête, Mais la Bête aussi les a vus : A les combattre elle s’apprête, Elle pousse des cris aigus. La troupe aussitôt se rassemble, Tous les héros sont sur les lieux Et pas un seul d’entre eux ne tremble… Que va-t-il se passer, grands dieux ? Mais les chasseurs de Vergisson Ne sont pas des couyons, ma chère : Sans un émoi, sans un frisson L’un d’eux fait feu sur l’adversaire ; L’oiseau crie, atteint en plein vol, Et de Tramayes à Serrières Quand il s’écroula sur le sol Chacun sentit trembler la terre. Le bec ouvert, l’oeil en furie, On voit contre eux l’oiseau bondir : C’est une effroyable tuerie, Car il faut vaincre ou bien mourir… Homère, il me manque ta lyre Pour chanter ce combat fameux !… Mais enfin l’animal expire, Et le soleil lui, radieux. A l’aide de grands “pots” de benne, Joyeux, chantant sous le ciel bleu, Quatre hommes portent avec peine La dépouille du noir Peteu… Et vous, femmes de Vergisson, Arrachez-lui plume après plume : Et, pour le bucler sans façon, Allons ! que le bûcher s’allume ! Mais quand on eut plumé la Bête, Le monstre jadis triomphant, Il n’étit pas, foi de poète, Gros comme le poing d’un enfant ; Et cette bête épouvantable Qui fit trembler les environs (La chose est à peine croyable) Ne pesait pas un quarteron.