Les “Dames vertes”, très nombreuses dans le Jura, sont une variété de fées propres aux eaux et lieux humides. Elles s’ébattent au crépuscule près des sources et des étangs, dans les sentiers forestiers ou les grottes. Vêtues d’une longue robe verte, elles sont toujours très belles et séduisent ceux qui les rencontrent. Parfois bienveillantes et redresseuses de torts, elles veillent sur les enfants, sauvent les égarés et secourent les malheureux. Mais le plus souvent elles sont agressives et violentes : il leur arrive d’égarer ou noyer les voyageurs, ou de les faire courir ou voler toute la nuit jusqu’à épuisement. Dame verte Il s’en trouve dans 5 communes du Jura : Chavéria, dans la Grotte de la Touaille. Gigny, dans le Baume de Gigny : Voici ce qu’écrivait le docteur Gaspard, natif du village de Gigny: “Il y a une dame verte dans mons pays natal. Mon enfance a été bercée de contes de la dame verte; et je ne sais combien j’ai connu de gens qui l’ont vue ou qui l’ont entendue passer près d’eux. Quelles sont les faneuses qui n’ont pas occasion d’en parler, lorsque l’on fauche la grande prairie, surtout le pré des Roses, et du côté des grottes! Elle et ses compagnes s’y réunissent. On pourrait juger de leur multitude par l’étendue qu’elles foulent ensemble, lorsque l’on voit les herbes et les épis s’incliner sous leurs pieds légers. Cette réunion de femmes divines sur le territoire de Gigny a pu paraître assez remarquable à nos ancêtres pour avoir motivé l’imposition de ce nom: Gyné, gynaicos en grec signifient femme, et Giniacus est le nom latinisé de Gigny.” (Roger Mignot, 1984, Les Fées franc-comtoises, Dole, p.75-76) Les Nans, dans la Grotte de Fontaine Noire : “Cette dame taciturne et triste sait se montrer gracieuse à l’occasion. Elle aime se promener près de la Fontaine Noire qui coule au bas de la montagne. Lorsque des personnes étrangères la rencontrent, ils la saluent avec respect, mais se sauvent apeurées lorsqu’ils se rendent compte que c’est la dame verte du château de la Berne. Une couturière du nom de Françoise Petit, du village de Supt, la rencontra dans sa vie, plusieurs fois sur son passage, et plus particulièrement à proximité de la Fontaine Noire. Finalement, terrifiée, elle renonça à habiter aux Nans et quitta définitivement la région.” (Roger Mignot, 1984, Les Fées franc-comtoises, Dole, p.74) Poligny, dans la Grotte de la Dame verte : Habitat d’une Dame verte, qui ne sort que pour prévenir les habitants des dangers qui les menacent. (Gabriel Gravier, 1982, Franche-Comté, pays des légendes, tome II, p.171 / Franck Mouchot, 1999, La grotte de la Dame Verte, in Patrimoine polinois, n°14, p.59-61) Pont-d’Héry, dans la Chambre de la Dame Verte (ou grotte de la Côte Bernard) : “Sur le mont conique présidant à la naissance de la Furieuse et de son étroite et verdoyante vallée, l’ancien château de Vaux-Grillet a laissé quelques vestiges. C’est près des ruines de ce castel que, selon Rousset, se tenait une dame verte. Elle prenait un malin plaisir à entraîner à sa suite les voyageurs attardés, à les faire marcher à travers les forêts, les broussailles et les ronciers, jusqu’à ce que leurs vêtements fussent réduits en lambeaux. Pour Désiré Monnier – dont Charles Thuriet et Louis Martin ont repris la version – la dame verte habitait dans les bois d’Andelot, au bout des Côtes-Bernard. Elle y avait une grotte, appelée Chambre de la Dame Verte. Elle fréquentait la fontaine d’Alon, proche des Champs-Chrétiens. Des gens de Thésy, d’Aresches, d’Andelot, et probablement d’autres villages de la région de Salins, avaient assez souvent rencontré cette dame verte. Pourtant son souvenir serait sans doute oublié aujourd’hui si l’aventure de Jean Badaud n’était venue en quelque sorte l’immortaliser. “C’était vers 1800. Badaud, de son véritable nom : Cousin, demeurait à Andelot. Agé de 50 à 55 ans, il n’était donc plus un jouvenceau. Mais allez donc empêcher la sève de monter dans un vieil arbre ! Alors qu’il revenait vraisemblablement de Salins, où il avait acheté des étoupes, notre bonhomme rencontra la dame verte. Celle-ci, occupée à remettre sa jarretière, montrait donc une jambe au galbe plein d’éloquence. Manquant d’une retenue que l’attitude de la dame ne pouvait guère lui inspirer, Badaud s’empressa d’offrir son aide, et peut-être même suggéra-t-il une promenade forestière : « Descendons à l’ombre du bois, La belle, Descendons à l’ombre du bois. » “Feignant d’accepter l’invitation, la fée prit le bras de son admirateur et l’entraîna, légère et moqueuse, à travers les taillis, les buissons, les marais, les fondrières. Bientôt fatigué d’un tel manège, notre homme demanda grâce. Mais la dame verte continuait sa marche, comme si elle n’entendait rien. “Nous l’avons vu, Badaud rapportait avec lui des étoupes, c’est-à-dire de la filasse tirée du chanvre ou du lin, et destinée à la quenouille des fileuses. Un bras occupé à tenir le paquet d’étoupes sur son épaule, l’autre solidement serré sous celui de la dame verte, notre pauvre homme avait perdu toute envie de batifoler, d’autant que sa compagne l’entraînait dans sa course endiablée en chantant, ironique, ce refrain monotone « Filons tes étoupes, mon ami ; filons tes étoupes ». “Ils les filèrent si bien que, partout sur leur passage, elles restaient accrochées aux branches des arbres, aux épines des haies et des buissons. Quand la dame verte daigna le laisser en paix et s’éloigner, notre pauvre homme était fourbu, certes, mais il ne possédait plus le moindre morceau d’étoupe. On devine l’accueil «triomphal» que dut lui réserver sa femme, à son retour au logis. “Badaud avait-il vendu ses étoupes pour boire, ou après boire ? Les avait-il perdues ? “Dans le Val-d’Héry, on évoquait autrefois l’aventure du Petit Poulet, qui, plus téméraire que notre homme d’Andelot, avait poussé l’audace jusqu’à oser prendre par la taille la dame verte. “Si l’on en croit Camille Aymonier, « les femmes de Pont-d’Héry racontent volontiers cette histoire à leurs maris, aux environs de l’âge ingrat ! »” (Gabriel Gravier, 1982, Franche-Comté, pays des légendes, tome II, p.155-156)
Les “Dames vertes”, très nombreuses dans le Jura, sont une variété de fées propres aux eaux et lieux humides. Elles s’ébattent au crépuscule près des sources et des étangs, dans les sentiers forestiers ou les grottes. Vêtues d’une longue robe verte, elles sont toujours très belles et séduisent ceux qui les rencontrent. Parfois bienveillantes et redresseuses de torts, elles veillent sur les enfants, sauvent les égarés et secourent les malheureux. Mais le plus souvent elles sont agressives et violentes : il leur arrive d’égarer ou noyer les voyageurs, ou de les faire courir ou voler toute la nuit jusqu’à épuisement. Dame verte Il s’en trouve dans 5 communes du Jura : Chavéria, dans la Grotte de la Touaille. Gigny, dans le Baume de Gigny : Voici ce qu’écrivait le docteur Gaspard, natif du village de Gigny: “Il y a une dame verte dans mons pays natal. Mon enfance a été bercée de contes de la dame verte; et je ne sais combien j’ai connu de gens qui l’ont vue ou qui l’ont entendue passer près d’eux. Quelles sont les faneuses qui n’ont pas occasion d’en parler, lorsque l’on fauche la grande prairie, surtout le pré des Roses, et du côté des grottes! Elle et ses compagnes s’y réunissent. On pourrait juger de leur multitude par l’étendue qu’elles foulent ensemble, lorsque l’on voit les herbes et les épis s’incliner sous leurs pieds légers. Cette réunion de femmes divines sur le territoire de Gigny a pu paraître assez remarquable à nos ancêtres pour avoir motivé l’imposition de ce nom: Gyné, gynaicos en grec signifient femme, et Giniacus est le nom latinisé de Gigny.” (Roger Mignot, 1984, Les Fées franc-comtoises, Dole, p.75-76) Les Nans, dans la Grotte de Fontaine Noire : “Cette dame taciturne et triste sait se montrer gracieuse à l’occasion. Elle aime se promener près de la Fontaine Noire qui coule au bas de la montagne. Lorsque des personnes étrangères la rencontrent, ils la saluent avec respect, mais se sauvent apeurées lorsqu’ils se rendent compte que c’est la dame verte du château de la Berne. Une couturière du nom de Françoise Petit, du village de Supt, la rencontra dans sa vie, plusieurs fois sur son passage, et plus particulièrement à proximité de la Fontaine Noire. Finalement, terrifiée, elle renonça à habiter aux Nans et quitta définitivement la région.” (Roger Mignot, 1984, Les Fées franc-comtoises, Dole, p.74) Poligny, dans la Grotte de la Dame verte : Habitat d’une Dame verte, qui ne sort que pour prévenir les habitants des dangers qui les menacent. (Gabriel Gravier, 1982, Franche-Comté, pays des légendes, tome II, p.171 / Franck Mouchot, 1999, La grotte de la Dame Verte, in Patrimoine polinois, n°14, p.59-61) Pont-d’Héry, dans la Chambre de la Dame Verte (ou grotte de la Côte Bernard) : “Sur le mont conique présidant à la naissance de la Furieuse et de son étroite et verdoyante vallée, l’ancien château de Vaux-Grillet a laissé quelques vestiges. C’est près des ruines de ce castel que, selon Rousset, se tenait une dame verte. Elle prenait un malin plaisir à entraîner à sa suite les voyageurs attardés, à les faire marcher à travers les forêts, les broussailles et les ronciers, jusqu’à ce que leurs vêtements fussent réduits en lambeaux. Pour Désiré Monnier – dont Charles Thuriet et Louis Martin ont repris la version – la dame verte habitait dans les bois d’Andelot, au bout des Côtes-Bernard. Elle y avait une grotte, appelée Chambre de la Dame Verte. Elle fréquentait la fontaine d’Alon, proche des Champs-Chrétiens. Des gens de Thésy, d’Aresches, d’Andelot, et probablement d’autres villages de la région de Salins, avaient assez souvent rencontré cette dame verte. Pourtant son souvenir serait sans doute oublié aujourd’hui si l’aventure de Jean Badaud n’était venue en quelque sorte l’immortaliser. “C’était vers 1800. Badaud, de son véritable nom : Cousin, demeurait à Andelot. Agé de 50 à 55 ans, il n’était donc plus un jouvenceau. Mais allez donc empêcher la sève de monter dans un vieil arbre ! Alors qu’il revenait vraisemblablement de Salins, où il avait acheté des étoupes, notre bonhomme rencontra la dame verte. Celle-ci, occupée à remettre sa jarretière, montrait donc une jambe au galbe plein d’éloquence. Manquant d’une retenue que l’attitude de la dame ne pouvait guère lui inspirer, Badaud s’empressa d’offrir son aide, et peut-être même suggéra-t-il une promenade forestière : « Descendons à l’ombre du bois, La belle, Descendons à l’ombre du bois. » “Feignant d’accepter l’invitation, la fée prit le bras de son admirateur et l’entraîna, légère et moqueuse, à travers les taillis, les buissons, les marais, les fondrières. Bientôt fatigué d’un tel manège, notre homme demanda grâce. Mais la dame verte continuait sa marche, comme si elle n’entendait rien. “Nous l’avons vu, Badaud rapportait avec lui des étoupes, c’est-à-dire de la filasse tirée du chanvre ou du lin, et destinée à la quenouille des fileuses. Un bras occupé à tenir le paquet d’étoupes sur son épaule, l’autre solidement serré sous celui de la dame verte, notre pauvre homme avait perdu toute envie de batifoler, d’autant que sa compagne l’entraînait dans sa course endiablée en chantant, ironique, ce refrain monotone « Filons tes étoupes, mon ami ; filons tes étoupes ». “Ils les filèrent si bien que, partout sur leur passage, elles restaient accrochées aux branches des arbres, aux épines des haies et des buissons. Quand la dame verte daigna le laisser en paix et s’éloigner, notre pauvre homme était fourbu, certes, mais il ne possédait plus le moindre morceau d’étoupe. On devine l’accueil «triomphal» que dut lui réserver sa femme, à son retour au logis. “Badaud avait-il vendu ses étoupes pour boire, ou après boire ? Les avait-il perdues ? “Dans le Val-d’Héry, on évoquait autrefois l’aventure du Petit Poulet, qui, plus téméraire que notre homme d’Andelot, avait poussé l’audace jusqu’à oser prendre par la taille la dame verte. “Si l’on en croit Camille Aymonier, « les femmes de Pont-d’Héry racontent volontiers cette histoire à leurs maris, aux environs de l’âge ingrat ! »” (Gabriel Gravier, 1982, Franche-Comté, pays des légendes, tome II, p.155-156)