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Chez nous, il ne saurait y avoir de Saint-Jean sans le traditionnel feu de joie. C’est une grande réjouissance, aussi bien pour les jeunes que pour les vieux, et personne, n’omet d’y faire prière et vœux… surtout les filles qui voient là le plus sûr moyen de s’assurer un mariage heureux. Tout le monde y vient et, quand je dis tout le monde, je n’omets ni Dieu, ni le Diable… Une fois, il y a bien longtemps, deux jeunes filles d’un hameau voisin s’y rendaient avec le secret désir de trouver un mari. En passant à travers bois par le raccourci, elles rencontrèrent un cavalier qui, arrêté comme dans l’attente de quelqu’un, leur proposa de les prendre en croupe et de les conduire plus rapidement au village. Confiantes, ne se demandant même pas ce que cet inconnu faisait là, dans cet endroit perdu, elles acceptèrent. L’homme était jeune, de belle carrure et parlait comme un livre, si bien que les jeunes filles se sentirent prises sous un charme puissant qui leur fit oublier jusqu’à la Saint-Jean. Et il parlait, et il parlait. Elles apprirent son rang de prince et le but de sa nocturne : il cherchait une épouse simple, douce et, de préférence issue du commun. Si bien que chacune, pensant avoir sa chance, se prit à minauder pour se faire valoir. Elles se seraient longtemps trémoussées sur la croupe de la monture de ce prince charmant vraiment modeste si, sur leur chemin, ne s’était trouvé un groupe de jeunes gens qui les fit revenir sur terre : – Eh là, leur crièrent-ils, où allez-vous comme ça ? Surprise par le ton que prenaient les autres, elles répondirent qu’elles se rendaient au feu de la Saint-Jean du pays. – Dans ce cas, leur répondit-on, faites demi-tour, vous allez juste droit sur le puits de Fontas et à cette allure, vous ne tarderez à y choir, bête et vous. Arrivé sur la place où on faisait le feu, il arrêta sa monture, sauta à terre, reçut l’une après l’autre les deux jeunes filles et , malgré l’attitude jalouse des garçons, les prit par la taille pour les conduire vers le bûcher. Les gamines qui se voyaient déjà princesses, lui obéissaient docilement et ne se rendirent pas même compte qu’elles entraient avec lui dans les flammes. On leur criait de se reculer mais elles avançaient toujours. Bientôt leur tablier commença à flamber, puis la robe. On se précipita pour les retenir, les sortir de là, mais l’inconnu les serrait par la taille, comme dans un étau. Ses vêtements restaient intacts et les flammes sortaient par sa bouche. Voyant que c’était le diable lui-même, le curé qui, par la grâce du ciel, se trouvait là, s’empressa de l’asperger d’eau bénite. Il lâcha les deux « fiancées » plus mortes que vives. On ne retrouva ni son cheval, ni ses restes. Mais dans le foyer chacun ramassa et garda un tison, pensant que c’était un morceau d’os du diable et, grâce à cela, se crut définitivement à l’abri de ses méfaits.




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Sources/Mentions

  • Monographie du canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles